Charles Montier

 

Comment évoquer la Ford T sans parler de Charles Montier aussi bien que l’a
fait Fabien Sabatès dans son livre « Et vint la Ford T ». Il décrit avec une
grande précision la vie de ce Fordiste passionné. En voici donc un bref résumé,
qui, je l’espère vous donnera l’envie d’acquérir ce livre.



L’enfance de Charles Montier :



Charles Montier passe son enfance à Richelieu. Il est proche de son père,
Elie Montier, Forgeron installé en 1885 en Indre-et-Loire, qui lui donne le
goût de la belle mécanique.



Elie Montier est un homme moderne pour son époque. Il s’intéresse à tous
les genres de locomotion et en particulier aux chemins de fer. Il prend part à
l’entretien des machines au dépôt de la gare.



L’attrait de la vapeur l’influence et il entreprend la construction d’une
voiture. Charles participe à sa réalisation. La fabrication de cette voiture
dure plusieurs années.



Enfin un beau jour de 1895, la voiture, un break, est terminée et les
essais en champ clos sont satisfaisants.



Aidé par son gendre, Elie Montier en tente la commercialisation sous le nom
« Voiturette à vapeur », système Montier et Gillet, constructeurs à Richelieu.
Il n’y aura qu’un seul exemplaire.



Charles Montier, qui a seize ans à l’époque, brûle du désir de conduire
cette machine, la met un jour sous pression et part faire un tour dans la
ville. En voyant une voiture qui roule sans cheval, faisant un bruit infernal
tout en filant à une vitesse excessive, les habitants sont pris de panique. Le
résultat est désastreux, les Montier sont des fous et des suppôts de Satan,
leur forge est habitée par le diable. Plus question de leur donner du travail,
la clientèle s’éloigne, l’affaire commerciale tombe à zéro.



Quoi qu’il en soit, il est bien tard pour se lancer dans ce mode de
locomotion car le pétrole fait son apparition.










Sa propre affaire à Paris:



La seule solution pour Charles Montier est de partir pour Paris pour
continuer à exercer une activité qui, à l’époque, peut encore paraître
utopique. A son arrivée dans la capitale, il entre aux établissements Pinède où
il fabrique une voiturette 2-places. Quand cette maison ferme, il monte un
petit atelier rue de Charonne et aidé de son père, il construit ses propres
voitures. Les premières sont équipées de moteurs Flat-twin de sa fabrication et
les suivants, d’un moteur monocylindre refroidi par eau. Avec l’une de ces
dernières, il participe à quelques courses. Le virus de la compétition est déjà
en lui.



Toutes ses voitures sont vendues il en fait lui-même la livraison. Le
métier de constructeur-vendeur-livreur n’est pas de tout repos, il lui arrive
de braser chez un forgeron une tête d’essieu qui s’est brisée en passant sur un
nid de poule. Malgré la somme de travail fournie, les résultats ne permettent
pas de faire les investissements nécessaires à la marche normale de la petite
entreprise.










Charles Montier chez Darracq :



A son retour du service militaire, Charles Montier désirant maintenant
travailler pour un grand constructeur, n’a aucun mal à entrer chez Darracq, à
Puteaux, en qualité d’ajusteur traceur. Son talent et son exceptionnelle
habileté, le font désigner pour la fabrication de pièces délicates des engins
de courses.



Il quitte l’usine Darracq au début de l’année 1911.



La nostalgie du pays natal fait qu’il part pour Tours, monter un garage de
ventes et de réparations. Il obtient d’abord la représentation des automobiles
Silva, puis Gobron et ensuite celle de Ford.










Guerre 1914-1918:



Vient la grande guerre, qui stoppe pendant deux ans ses activités
automobiles. En 1916, il envoie à son frère, resté au garage de Tours, les
plans pour la conversion de la Ford T en tracteur agricole. Ceci, trois ans
avant l’arrivée en France du Fordson. Un an de travail est nécessaire à la mise
au point de trois modeles. Ce sera la première adaptation que Charles Montier
fait de la Ford T.



La fin de la guerre le trouve affecté au premier régiment d’aviation. Il
participe à la construction d’ingénieux appareils. Il conçoit une lampe de bord
qui porte son nom, ainsi qu’un compas à visibilité latérale.



A la démobilisation, il reste à Paris et aidé financièrement par son ancien
lieutenant qui est devenu un ami, il fonde une affaire automobile : Charles
Montier & Cie. Un atelier situé à Courbevoie voit d’abord le jour et
ensuite un magasin de ventes et d’exposition rue Pierre Charron, à deux pas des
Champs Elysées. L’atelier devenu vite trop petit est transféré à Levallois et
ensuite à Asnières , l’affaire de Tours restant aux mains de son frère.










Montier et la Ford T :



Charles Montier s’est déjà rendu compte du parti que l’on peut tirer la
Ford T. Il lui inflige diverses transformations, avec le châssis surbaissé et
le moteur gonflé. La Ford-Montier est aussitôt la coqueluche de tous les
sportifs de l’époque.



Le surbaissement est réalisé par le montage d’un double triangle et de deux
crosses servant d’appui au ressort avant. L’abaissement est d’environ 17 cm.
L’arrière du châssis est surbaissé par deux crosses rivetées sur les logerons à
hauteur de la traverse. Ce système est breveté le 15 septembre 1921 sous le N°
541090.



Cette transformation nécessite le changement des moyeux. Des radiateurs spéciaux
plus hauts que ceux de série peuvent être fournis. Des carrosseries souples
sont construites par « Weymann ».



Il faut maintenant s’attaquer au moteur. Une culasse à soupapes en têtes de
grand diamètre commandées par culbuteurs est dessinée par Charles Montier. Elle
se monte en lieu et place de celle d’origine, sans modification du bloc-moteur,
elle est pourvue d’un carburateur Solex horizontal et d’un système
d’échappement à admission spéciale.



La voiture peut atteindre le 100 Km/h en vitesse de pointe.



Un arbre à cames à grande levée de soupapes et des pistons en aluminium
complètent la modification du moteur et lui donnent en plus souplesse et
accélération.



Côté transmission, la boite de vitesses est dépassée. Il faut autre chose derrière
ce moteur pour utiliser la puissance . Deux modifications sont possibles. L’une
par l’adjonction d’un changement de vitesse à deux rapports, le Ruckstell
Axle., importé des USA par Charles Montier qui se monte dans la trompette
gauche du pont arrière. L’autre consiste à monter une boite conventionnelle à
trois rapports de marque Sympar, placée sur l’arbre de transmission.



La voiture roule vite, il n’est plus question de se contenter du freinage
d’origine. Des freins de grand diamètre sont mis en place. Par la suite des
freins avant, licence Perrot, viennent donner à la voiture un freinage qui à
l’époque, est l’ un des meilleurs.



Toutes ces transformations voient successivement le jour dans le courant
des années 1921 à 1923. La première voiture de course est construite en 1921 et
son premier grand succès à lieu au meeting de Boulogne-sur-Mer . les 3 Km de la
course de la Forest sont couverts à 128 Km/h de moyenne.










Les courses :



L’année 1922 voit la Ford-Montier sur la plus part des meetings français et
même belges. Une des meilleures performances est effectuée à Dinant, en
Belgique. Le kilomètre aller-retour départ lancé, couru sous la pluie et avec
route glissante, est parcouru à 133 km/h de moyenne.






Le Mans :



L’année 1923 est marquée par le Grand Prix des 24 Heures du Mans. Charles
Montier ose s’embarquer dans cette galère. Sur le châssis, une carrosserie 4
places type Gallion est montée, une capote y est adaptée car le règlement
oblige de rouler pendant plusieurs tours capote levée. Comme la transformation
du moteur en 2 litres est déjà sortie, celui-ci en est donc équipé. La vitesse
maximum n’est plus que de 120 Km/h environ. La voiture termine à 70 Km/h de
moyenne.



L’année suivante, voit Charles Montier au départ avec le même type de
voiture, sauf que le moteur reprend sa cylindrée de 3 litres, et que des freins
sont montés à l’avant.



Malheureusement un piston cassé arrête la voiture au milieu de la nuit.



1925, voit une dernière fois la Ford T au départ. Cette année là, c’est une
roue perdue qui fait perdre prés de 2 heures à la Ford Montier. Au petit matin,
le directeur de course arrête la voiture qui n’a pas parcouru la distance
minimale imposée.


 

1923 :

Numéro de course : 19

Place : 14

Pilotes : Charles Montier et Albert Ourion.

Kilométrage parcouru : 1674,414 Km

Moyenne : 69,769 Km/h



1924 :

Numéro de course : 23

Place : abandon au 40ème tour

Pilotes : Charles Montier et Albert Ourion.

Kilométrage parcouru : 690,480 Km



1925 :

Numéro de course : 17

Place : abandon au 54ème tour

Pilotes : Charles Montier et Albert Ourion.

Kilométrage parcouru : 932,148 Km

 




Nouvelle voiture :


 

De 1926 à 1928, l’activité commerciale continue. Une nouvelle voiture voit
le jour la Montier Spéciale. Elle est munie de tous les derniers
perfectionnements. Carrosserie 2 places à pointe Bordino, freins à l’avant,
direction à vis et secteur, vilebrequin à graissage sous pression, culasse à 2
carburateurs et 2 bougies par cylindres. Le moteur développe 90ch, La vitesse
est de 170 Km/h.



Victoires de Charles Montier :



 

1921 :

 

-         30 juin, Saint-Martin (Boulogne-sur-Mer) sur Ford Montier.


 

1922 :

-         25 juin, Malchamps en Belgique (Coupe de la Meuse) Spa, sur Ford Montier
3-Litres


 

-         10 septembre, Falmignoul (Dinant) en Belgique, sur Ford Montier 3-litres.


 

1923 :

-         23 juillet, Nancy-Boufflers, sur Ford Montier.



-       Malchamps en Belgique (Coupe de la Meuse) Spa, sur Ford Montier Spécial


 

1924 :

-         21 avril, Rouchettes (Saint-Lô), sur Ford Montier Spécial


 

-         18 mai, Mont-Theux en Belgique, sur Ford Montier 3-Litres.


 

-         6 juillet, La Sarte (les Longs-Thiers) en Belgique sur Ford Montier
3-Litres.



-     Malchamps en Belgique (coupe de la meuse) Spa, sur Ford Montier Spécial.


 

1925 :

 

-         2 mai Chanteloup, sur Montier Spécial.


 

1926 :

-         Val Suzon (Dijon), sur Montier Spécial.


L’après Ford T :



1928, voit l’arrêt du modèle T de chez Ford. Charles Montier continue la
compétition avec des Ford A, puis des Ford V8. Le rallye de Juan-les-Pins en
1934 est le dernier auquel Charles Montier participe.




L’ingratitude de l’usine :



En 1934, le renouvellement de son contrat d’agent ne lui est pas accordé.
Le rideau tombe sur l’épopée Ford Montier. Après avoir prôné le nom de Ford sur
les routes et circuits, pendant des années, et au péril de sa vie, Montier est
évincé du réseau.



Pendant la guerre de 1939-1945, tout en se repliant sur lui même, Charles
Montier n’en conçoit pas moins sa dernière adaptation : l’utilisation de
l’acétylène comme carburant. Les appareils sortent de fabrication quand le
carbure est contingenté. L’effort à été inutile


 

Finalement, en 1952, Charles Montier s’éteint chez lui.

 




Voici une Ford T version sport, vue aux Etats Unies.

 

La carrosserie n’a peut être pas était réalisé dans les ateliers de Charles Montier, mais le moteur lui, est bien celui d’une Montier Spécial.

 

Le propriétaire actuel, Orlando Rauddi, à trouver la voiture en l’état d’épave au Paraguay à la fin des années 80. Elle était équipé de roues à voile plein, qui n’ont pas pu être sauvé.